L’imaginaire autour du moyen-Âge est assez sombre et violent. La réalité est toujours ailleurs, plus nuancée. Certaines figures du Moyen-Âge rayonnent encore aujourd’hui, comme l’icône des naturos : Hildegarde de Bingen. Dans sa quête d’harmonie, la célèbre moniale a fait un véritable de travail de synthèse entre les différentes disciplines – en mettant la théologie au cœur de son œuvre – dont la modernité ne cesse de nourrir les pratiques actuelles. Son savoir notamment en matière de plantes médicinales lui a donné l’intuition de la richesse du bourgeon, jolie métaphore quand on sait qu’il est lui-même la synthèse des qualités « en puissance » de la plante.

On ne peut pas découvrir Hildegarde de Bingen sans être ému et fasciné par le parcours de cette abbesse visionnaire.

Visionnaire à double titre, d’ailleurs : par sa capacité à se projeter, nous le verrons, bien au-delà de son époque (elle a la pré-science que la terre tourne autour du soleil, et que les étoiles fixes sont en mouvement : à rebours des certitudes de son temps), mais aussi parce qu’elle aura des visions toute sa vie qui commenceront dès l’âge de trois ans.

Dix siècles nous séparent – elle est née à la toute fin du XIe, en 1098 – et pourtant… Cette religieuse bénédictine qui a fondé plusieurs abbayes dont le rayonnement a parait-il suscité de nombreuses vocations, était également musicienne, médecin, et femme de lettres. Ce qui est frappant, ce sont tous ces ponts qui nous la rendent si proche.

Son œuvre musicale, d’abord : elle est la première composée par une femme qui soit parvenu jusqu’à nous, et elle est encore jouée aujourd’hui !  

Son travail scientifique a lui aussi traversé les siècles : ce sont les seuls ouvrages médicaux XIIe siècle qui ont été conservés.  

C’est sur son travail en matière de santé que j’ai envie de m’attarder. Ses dons de guérisseuse, qui ont fait sa réputation, étaient le fruit d’un travail de synthèse entre la science de son temps, et la tradition populaire. Elle s’appuie sur la notion biblique du corps qui est le temple de l’esprit, et à ce titre se doit d’être protégé.

Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes?

Corinthiens 6

Dans son ouvrage « Causae Curae » elle explique qu’il n’y a pas de maladies, mais des hommes malades. Elle avait bien avant l’heure une vision « holistique » de la santé, même s’il s’agit bien évidemment d’un anachronisme total pour parler du XIIe siècle ! Selon elle, quatre piliers, intimement liés les uns aux autres, sont garants de la santé : le corps, l’esprit, l’âme et l’environnement.

C’est également la première à avoir identifié huit bourgeons précieux qu’elle rapporte dans son « Livre des subtilités des créatures divines » : elle mentionnait les bourgeons du bouleau, du cassis, du châtaignier, de l’églantier, du frêne, du peuplier, du pommier et du tilleul. Tous sont encore utilisés aujourd’hui. Visionnaire, le mot est faible !

Comme d’autre intuitions qu’elle aura – on peut noter les bienfaits du camphre ou de la muscade que la pharmacologie actuelle a confirmé – l’usage des bourgeons aura de beaux jours devant lui et deviendra la gemmothérapie.

Il faudra attendre 9 siècles pour se pencher à nouveau sur ces bourgeons, et leur fabuleux pouvoir, avec les travaux du Docteur Pol Henry dans les années 50. Ce médecin belge qui a mesuré l’intérêt, études à l’appui, de ce qu’il a nommé « phyto-embryothérapie ».

Parmi les figures majeures qui poursuivent ce travail sur la gémmothérapie : Christian Eloy est sans doute le plus inspiré, donc inspirant ! De la même façon que pour l’aromathérapie, il applique son approche « tempéramentale » : grâce à la connaissance de notre tempérament d’Hippocrate, nous pouvons sélectionner les bourgeons les plus susceptibles de nous soutenir.

Une approche de la santé « intégrative » dans lequel le malade est acteur et possède une expertise précieuse : la connaissance de soi. Pas de doute, l’héritage de Sainte Hildegarde (elle a été canonisée en mai 2012 par Benoît XVI) est entre de bonnes mains.

« Le corps est l’atelier de l’âme où l’esprit vient faire ses gammes »

Hildegarde de Bingen