La littérature et l’amitié sont centrales dans ma vie. Les mauvaises langues diront que le travail aussi : c’est le cas, mais il s’agit autant d’une passion que d’un mal nécessaire pour acheter des livres sans compter. Cette année 2023 est à marquer d’une pierre blanche, car elle m’a permis de concilier ces deux piliers : lire des femmes devenues des amies, que j’admire, et dont chacune des pages aide à vivre. A bien vivre, chez Esther Schmitt, dont l’approche naturo teintée de dolce vita permet de concilier gourmandise et joie, à accueillir l’héritage d’une vie d’héroïne chez Gaëlle Bertruc, et à redécouvrir la poésie des cycles du vivant chez Séverine Perron et sa plume habitée.

La toile cirée, Gaëlle Bertruc

L’Harmattan

Je referme tout juste la vie de Jacqueline Peker racontée par Gaëlle Bertruc, et ce billet est motivé par l’envie de prolonger un peu le voyage… S’il s’était agit d’une héroïne de roman, imaginée de toute pièce, j’aurais pensé « elle a un peu chargé, quand même ». Tous ces drames, ces exploits, ces diplômes, ces métiers, ces amis illustres, toutes ces histoires d’amour… et pourtant. Tout est vrai.

Jacqueline Peker, qui a fêté ses 80 ans par un saut en chute libre, est une ode à la vie. Durant la sienne, elle a sans cesse fait mentir le destin pour s’inventer un personnage qui n’a rien à envier au Romain Gary des Racines du ciel dont l’amour maternel fait un héros infatigable. J’ai pleuré à chaudes larmes la mort de sa Babouchka Polonaise tant aimée, et passé un moment d’une grande intensité en sa compagnie, attablée à cette toile fameuse cirée grâce à cette façon de raconter au présent, à la première personne du singulier; comme si Gaëlle et Jacqueline n’avaient été plus qu’une, le temps de ce livre.

Ouvrir les paysages –

Le rythme de nos saisons intérieures, Séverine Perron Gardent

Editions l’Originel

J’ai découvert Séverine Perron grâce à Lucie, une amie qui aime les livres au moins autant que moi. « Aperçue dans le ELLE, elle est dans ton coin ». Evidemment, le ELLE et la Savoie faisant peu souvent bon ménage, j’ai eu envie d’en savoir davantage. Et comme je fais rarement dans la dentelle : j’ai écouté, lu, regardé à peu près tout ce que je pouvais à son sujet. Notamment le très bel épisode du podcast Métamorphose au sujet de son livre incontournable « Alchimie Végétale ». Ce livre a été depuis un vrai fil rouge, un accélérateur d’amitié : dès que je l’aperçois chez quelqu’un que je connais peu, je sais qu’on se reverra.

Ce printemps a marqué l’éclosion d’un nouvel ouvrage, à son image : plein de poésie et de délicatesse. Quel culot, d’écrire de la poésie en 2023 ! Certaines ont ce talent là. De raconter la vie, ses cycles, ses saisons, et d’aimanter à chaque page. Impression de se retrouver autant que de la découvrir… un vrai beau livre de soir d’été.

Photo Audrey Gauthier

Je me libère du grignotage, Esther Schmitt

Editions Eyrolles

Le terme de libération n’est pas usurpé. Qui me connait sait que lorsque je ne suis pas au téléphone, je mange. Mes journées se déroulent – devrais-je dire « se déroulaient ? » de façon binaire : téléphone – chocolat, visio – noisettes – téléphone. Je suis donc bonne cliente pour ce genre de livre, bien que n’ayant pas vraiment l’intention de perdre du poids.

Mais livre le livre d’Esther, dont j’aime l’approche décomplexée si joyeuse de la naturopathie, m’a fait réaliser à quel point ces « pauses noisettes » étaient liées à mes émotions. Si chaque livre vous révèle un peu de vous-même : celui-ci ne fait pas exception. Il m’a révéler les mécanismes à l’œuvre, véritables automatismes dont le plaisir était absent.

Ce livre est à l’image d’Esther : aussi structuré, concret et pragmatique qu’il est créatif, fantaisiste et enthousiasmant !

Il ne faut jamais faire de littérature, il faut écrire et ce n’est pas pareil.

Christian Bobin