Mona Chollet commence son essai « Beauté Fatale » de cette façon « Écrire un livre pour critiquer le désir de beauté ? ‘il n’y a pas de mal à vouloir être belle !’ m’a t-on objecté lorsque j’évoquais autour de moi le projet de cet essai. Non, en effet : ce désir, je souhaite même le défendre […]. Le problème, c’est que dire cela à une femme aujourd’hui revient un peu à dire à un alcoolique au bord du coma éthylique qu’un petit verre de temps en temps n’a jamais fait de mal à personne. »
Force est de constater que si l’être humain use de stratagèmes pour séduire depuis toujours (les cendres et crottes de sanglier de la préhistoire ont laissé place à des préparations plus désirables), les cosmétiques peuvent parfois nous rappeler de façon écrasante leur étymologie.
Cosmétique vient du grec ancien kosmêtikós : « décoratif, ordonné ». Son sens a évolué avec le latin « cosmetes » pour évoquer l’esclave chargé de la parure, du maquillage.
Esclaves de notre apparence et de stratagèmes qui nous font croire qu’il est possible d’éviter l’inéluctable ? Certaines marques n’hésitent pas à s’engouffrer dans la brèche, et avec des compos douteuses par dessus le marché !
30% des femmes trouvent que le marketing cosmétique est exagéré et trompeur
D’après l’étude menée par Xerfi Spécific pour le label Slow Cosmétique, février 2024
Il y a 10 ans, Julien Kaibeck créait le label Slow Cosmétique. Son ambition ? Moins mais mieux, mot d’ordre qui commençait à faire son chemin, dans le sillage du mouvement Slow Food qui existait déjà depuis le milieu des année 80, mais dont l’urgence devenait impérieuse.
Le mois dernier, l’association Slow Cosmétique a présenté une étude prospective sur les tendances du marché de la beauté naturelle à horizon 2025. Cette étude dessine les contours de marques incarnées, simples, aux promesses sincères. Joli programme !
Dans un contexte d’inflation forte, et d’arbitrage des achats au profit de la nécessité, les cosmétiques affichent pourtant une santé étonnante : +10% en valeur entre 2021 et 2023, avec une cosmétique BIO qui a dépassé le milliard d’euros post COVID, pour progresser chaque année sans discontinuer et représenter désormais plus de 10% du marché global.
La question qui se pose légitimement une fois ce décor planté, c’est…qui sont ces consommateurs qui tirent la croissance de la cosmétique, dans le contexte actuel ?
Je vous vois venir d’ici : les hipsters, ces citadins qu’on aime moquer en se prémunissant d’en être. Et bien non. Cette « cible » là ne représente que 9% des cosmétiques BIO.
33% sont des ambassadeurs engagés
25% des « accros » de la beauté
21% des séniors soucieux de leur santé
12% défenseurs de la cause animale,
Et donc 9% de ces fameux hipsters vegans « bobos ».
Comment parler à ces profils si différents, pour trouver un dénominateur commun et les embarquer ? S’il est coutume d’opposer le local au BIO avec le fameux « je préfère acheter à un producteur / fabricant à côté de chez moi plutôt que du BIO du bout du monde », je m’interroge sur ce côté oxymorique du local ET bio.
Lorsqu’on consomme local, on est aux premières loges pour apprécier l’impact des modes de culture. Il n’est pas inintéressant de rappeler qu’on peu associer local ET bio, et constater…que les deux fonctionnent ensemble, et que ça peut être un début finalement accessible du fameux appel de Gandhi « Incarnez le changement que vous voulez voir dans le monde. »
C’est un peu comme les labels BIO et Slow Cosmétique. Le label Cosmébio me semble un incontournable, avec son cahier des charges robuste et exigeant qui est une véritable boussole dans la conception d’un produit, de la formule à l’achat de matières premières en passant para son packaging.
Mais l’apport de la Slow Cosmétique est indéniable, et a le mérite de remettre l’église au milieu du village. Prendre en compte l’aspect psychologique dans l’évaluation du discours cosmétique correspond à une vision de la santé globale, physiologique et émotionnelle, qui est en train de s’imposer petit à petit, à mesure que tous les indicateurs de santé mentale passent au rouge.
La beauté, c’est l’harmonie du hasard et du bien.
Simone Weil
Il y a dans la promesse de ce projet de la Slow Cosmétique quelque chose qui me parle, qui a à voir avec la co-création. Un cosmétique ne fera rajeunir personne, en revanche avoir le teint frais, la peau nourrie grâce à un soin formulé intelligemment, produit en conscience, avec des concentrations d’actifs adaptées, une texture et une odeur agréable peut faire des merveilles. C’est peut-être là que si situe la promesse : des merveilles oui, des miracles, non.