La BD n’est pas un hobby anodin, on a l’a vu il y a quelques semaines de façon dramatique avec l’attentat contre Charlie Hebdo. C’est paradoxal, vu de ma fenêtre c’est pourtant le plus sûr moyen de faire comprendre des choses compliquées en étant à la portée de tout le monde. L’avantage c’est qu’il ne faut pas avoir fait math sup’ pour comprendre une planche, mais ça prête visiblement au malentendu. A mon avis, comme pour faire des figures compliquées au trapèze ou résoudre des équations tordues, pour avoir l’impression que c’est simple il faut un boulot titanesque derrière. Et voilà selon moi trois personnes qui ont dû bien bosser :

Guy Delisle, Chroniques de Jérusalem

Delcourt

Commencer à lire un Guy Deslisle, qu’il raconte sa vie à Jérusalem, en Corée du Nord ou en Birmanie, c’est vouloir les lire tous. Ce type a une capacité sidérante à retranscrire ce qu’il voit joliment (mention spéciale à ses croquis de la vieille ville de Jérusalem) et à le rendre limpide. Même si la sympathie des québécois – il l’est – est un poncif, il a une capacité à s’émerveiller communicative, et une façon de décrire un conflit vieux de 4000 ans de façon telle que tout paraît clair (si si, c’est possible) sans tomber dans l’écueil partisan. Une BD aussi lumineuse qu’éclairante !

Riad Sattouf, L’Arabe du futur

Allary éditions

Riad Sattouf – l’Arabe du futur. Le jury d’Angoulême de cette année ne s’y est pas trompé. Dans cette BD géniale, Riad Sattouf raconte ses souvenirs d’enfance : une enfance entre la France, la Libye et la Syrie de 1978 à 1984 (la suite dans le prochain tome, j’ai hâte). Il y a des trucs hilarants, on est chez Riad Sattouf (petit garçon, les bonshommes qu’il dessine ont la tête de Pompidou, ou bien il raconte qu’il s’entiche de sa grand mère syrienne parce qu’elle sent une odeur douce de transpiration) et des trucs plus difficiles à avaler, surtout quand il arrive en Syrie et qu’on sent la violence affleurer. Le ton faussement naïf de la BD fait passer le message et la pilule, et la bêtise d’où qu’elle vienne en prend pour son grade. C’est drôle, incarné et intelligent.

Allie Brosh, Hyperbole and a half

Allie Brosh est une surdouée américaine qui a un blog drôlissime, « Hyperbole and a half »  (72 millions de visites) du même nom que son bouquin. Elle raconte son histoire avec des traits enfantins façon Paint sur Windows 1998, qui ne lui rendent pas hommage (en vrai, elle est canon) mais qui ont le mérite d’être efficaces et de renforcer le côté hilarant de son histoire, alors qu’elle parle surtout…de ses névroses, de sa dépression et de ses chiens. Beaucoup de boulot, donc, pour sublimer sa bizarrerie (elle a des amis imaginaires morts) et ses angoisses (elle essaie de dresser un chien pyschopathe, échoue, mais persévère). Ça décomplexe, et ça fait du bien !

« Faire rire, c’est faire oublier. Quel bienfaiteur sur la terre, qu’un distributeur d’oubli ! »

Victor Hugo